Gender and Water Alliance
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Vendeurs d'eau contre les femmes usagers de l'eau

Sources nouvelles, No. 34, mai 2010

Le dimanche après-midi, Pauline s'occupe de sa boutique, une étagère en bois. Elle vend des fruits, des légumes, du poisson sec, des piles, du charbon de bois et tout ce dont un ménage normal dans cette petite ville de l’Ouest Ougandais aurait besoin au quotidien. A quelques mètres de là, on peut apercevoir une borne fontaine, avec trois robinets et une plate-forme qui semblent secs. Pendant les huit derniers mois, elle a été l'opératrice officielle du robinet, vendant l'eau et tenant les comptes. Elle vendait l'eau de la fontaine à 100 shillings ougandais (0,036 euros) le bidon de 20 litres. Le compteur du robinet principal est maintenant cassé. Pauline dit qu'il est de mauvaise qualité et que la plupart des autres robinets ont le même problème. Les robinets à l'avant ont déjà été remplacés cinq fois. Elle attend actuellement le plombier qui est en même temps son contact et le soumissionnaire à la Mairie.

Des fontaines en panne et des vendeurs d'eau
Sans cette fontaine, ni les cinq autres en ville qui ne fonctionnent pas, la plupart des gens qui ne disposent pas de branchement à domicile dépendent à nouveau des vendeurs d'eau. Ces vendeurs sont de jeunes hommes qui remplissent leurs bidons à un point d'eau à ciel ouvert en contrebas de la ville. Ils font le parcours cm après cm pour arriver au point d'eau, afin d’obtenir de l'eau relativement claire, mais non traitée et pour remplir rapidement six bidons. Ils les attachent ensuite sur leurs bicyclettes et pédalent, ce qui est un travail considérable. Les vendeurs apportent l'eau aux seuils des maisons et la vendent à 200 shillings ougandais (0,072 euros) les 20 litres.
En ville, on dit souvent que les robinets sont vandalisés la nuit. Le forum multi partenarial organisé par l’Initiative de l'eau et l'assainissement du Lac Victoria du programme de l’ONU-Habitat (LVWATSAN), identifie également le vandalisme régulier des robinets comme un problèeme qui rend cette nouvelle forme d'approvisionnement en eau destinée aux personnes pauvres plutôt inefficace. Les vendeurs d'eau sont cités comme responsables du bris des robinets, dans le but de ne pas perdre leurs clients. Pauline n'accuse pas directement les vendeurs d'eau de vandaliser les fontaines ; elle n'y reste pas la nuit pour le savoir.
Le GWA participe aux enquêtes interdisciplinaires de la ville. Certaines catégories d’acteurs sont invitées à raconter leurs histoires et leurs problèmes.

Perspectives du point d'eau
Le jour suivant, l’équipe d'enquête se rend à pied au point d'eau et y trouve des vendeurs d'eau, remplissant leurs bidons et réparant leurs vélos ; d’autres encore dévalent la pente en courant, pour faire grincer leurs freins en mauvais état. L'un d'entre eux se spécialise en réparation de vélo.
Leur point de vue apporte un éclairage différent sur la situation. Chaque vendeur doit verser au conseil municipal une patente, des vignettes quotidiennes pour les vélos et des honoraires pour les bidons à une personne appelée soumissionnaire. Ils travaillent fort et les gens préfèrent leur eau à celle des robinets. Elle a meilleur goût, nécessite moins de détergent pour la lessive et ne laisse aucun film coloré après ébullition. Pourtant, ils ne sont pas respectés ; au contraire, ils sont méprisés en ville. Toutes les fois qu'il y a un accident impensable, étant donné la manière dont ils descendent la route, ils sont toujours tenus pour responsables. Il y a eu quelques problèmes de harcèlement auprès des femmes ; mais à ce niveau, les vendeurs d’eau disent qu'ils ont des règles. L’un d’eux appelé maintient l’ordre. Ils n'ont aucune autre façon de gagner leur vie et ils ne sont pas très ravis par les nouvelles infrastructures d'eau apportées par le programme d'ONU-Habitat, telles que les fontaines. Interrogés sur ce qu'ils pensent du vandalisme des robinets, ils pouffent tous de rire. « Bien que le système est fortement protégé, nous souhaitons tous qu’il tombe en panne ». Ils n'ont pas été approchés pour devenir d’opérateurs de robinet, bien qu’ils auraient souhaité faire ce travail.
Nous avons eu des difficultés à trouver des utilisatrices de fontaines pour demander leur avis ; d’abord, parce qu'elles sont toutes très occupées, et ensuite parce que la plupart d’entre elles ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour aller chercher de l’eau elles-mêmes au point d'eau. Autour du point d’eau, les jeunes hommes sont constamment assis et discutent. Ce faisant, ils mettent les femmes mal à l’aise, et ils s’amusent à les toucher ou les heurter avec leurs bidons. Les vendeurs peuvent s’enorgueillir de leurs règles, mais les femmes voient cela différemment. En fin de compte, mêmes les femmes pauvres qui préféreraient porter l'eau elles-mêmes décident d'en acheter auprès des vendeurs toutes les fois qu'elles le peuvent, pour éviter le harcèlement.
Tel est le contexte dans lequel les partenaires au Programme de renforcement des capacités de LVWATSAN font leurs enquêtes pour élaborer un plan de formation et de renforcement personnalisé des capacités pour chacune des dix villes du programme. Les problèmes des différents intervenants sont recueillis, lesquels s'avèrent être étonnamment différents dans chacune des villes.

Différentes méthodes d'analyse
Il est intéressant d’analyser cette situation dans une ville d’Ouganda suivant deux perspectives. Suivant une Perspective femmes -développement (WID- en anglais). En examinant la ville et ses intervenants, la situation des utilisatrices des fontaines d’eau s’est détériorée ; d’abord, parce qu’elles pouvaient obtenir l'eau elles-mêmes gratuitement à ce point d’eau, en la portant en haut de la colline elles-mêmes, alors que maintenant elles doivent la payer, et très cher. L'eau des robinets est plus abordable, mais n’est apparemment pas potable, et le plus souvent n’est pas disponible. Même les opératrices de robinets en bénéficient à peine, puisque les robinets ne cessent de tomber en panne. Une solution WID serait de proposer que le point d'eau soit un endroit interdit aux vendeurs à certaines heures fixes. Cependant, l'utilisation d'eau non potable persisterait.
La deuxième option consiste à analyser la situation selon une perspective Genre et autonomisation. Cela suppose que les intérêts des vendeurs soient également pris en considération à côté de ceux des utilisatrices. Ces hommes préféreraient d’avoir un autre emploi, qui les rendraient plus autonomes et qui leur permettrait d’être respectés. S'ils avaient un autre métier, ils cesseraient de vandaliser les robinets et les femmes pourraient obtenir de l'eau à faible coût dans les fontaines voisines. L'autonomisation permettrait également aux femmes d’accéder plus librement aux points d’eau. des femmes aurait également pour conséquence qu’elles ne soient plus empêchées d’aller au point d’eau par un groupe de jeunes hommes. Elles s’y rendraient ensemble pour y revendiquer leurs droits. Pauline et d'autres opératrices de robinet pourraient vivre de ce métier si la demande en eau de ces fontaines était en permanence.
Le GWA contribue, par une perspective Genre et autonomisation, à enrichir les expériences recueillies en matière de gouvernance locale, de relations sexo-spécifiques et de considérations environnementales et techniques, au sein du programme LVWATSAN. De ce fait, il participe à un programme plus adapté au renforcement des capacités en faveur des pauvres.

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